Débat

Grand débat national : les 8 propositions de l’Institut pour la Justice pour la sécurité

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Publié 29 janvier 2019
Auteur IPJ

Dans le cadre du grand débat national voulu par le Président de la République, l’Institut pour la Justice a formulé huit propositions relatives aux droits des victimes et à la sécurité des Français. L’association aimerait voir ces sujets abordés à l’occasion de ce grand débat, qui a pour vocation de centraliser les préoccupations des Français.

Voici les huit propositions que l’Institut pour la Justice formule :

Il s’agit de créer un droit d’appel pour les victimes en cas de relaxe ou d’acquittement du mis en cause devant le tribunal correctionnel, la cour d’assises et le futur tribunal criminel départemental.

Aujourd’hui, ce droit n’existe pas : la victime peut certes faire appel sur ses intérêts civils, mais elle ne peut pas demander la tenue d’un second procès pénal qui pourrait aboutir à l’établissement de la culpabilité pénale du mis en cause.

Cette situation est souvent vécue comme un second traumatisme pour la victime. Car une décision de relaxe ne signifie pas seulement que son agresseur présumé est innocenté ; aux yeux de la société, c’est la victime elle-même qui devient une menteuse potentielle, ce qui est particulièrement ravageur dans les cas de violences sexuelles, parfois difficiles à prouver matériellement.

Le droit d’appel de la victime en cas de relaxe ou d’acquittement serait en outre le prolongement naturel et cohérent des droits dont bénéficient actuellement les victimes. En effet, la victime déclenche l’enquête en portant plainte, peut passer outre un classement sans suite du procureur par une constitution de partie civile et a la capacité de faire appel des ordonnances de non-lieu du juge d’instruction. Il est donc tout à fait légitime qu’elle puisse également mettre l’appel en mouvement lorsqu’elle estime que justice n’a pas été rendue.

Pour que la victime ne soit plus une « demi-partie » au stade de l’application des peines, il faudrait qu’elle puisse faire appel des décisions prises par le juge d’application des peines et le tribunal de l’application des peines, en particulier pour les décisions de libération conditionnelle.

Par cette faculté dont le corollaire logique est la possibilité générale qui doit lui être offerte de formuler, à l’instar de l’autre partie des observations écrites, elle pourra en outre veiller à ce que sa parole soit réellement prise en compte, à égalité des armes avec son agresseur condamné.

Il faudrait adopter en France un système moderne d’information post-sentencielle des victimes d’agression tel qu’il en existe déjà à l’étranger(Voir notamment le logiciel VINE (Victim Information Notification Everyday) développé depuis 25 ans aux Etats-Unis qui permet de suivre 90% de la population carcérale américaine).

 Ce système offrirait en effet :

· Une meilleure information et protection des victimes ;

· Une simplification des textes ;

· Un allègement des coûts.

Cette solution permet à une victime de connaitre le statut carcéral de son agresseur pratiquement en temps réel : s’il est incarcéré, s’il est transféré dans une autre prison, s’il s’est évadé, s’il doit être libéré, s’il est décédé, etc.

Il permet également de suivre un agresseur dont la peine a été aménagée et d’informer la victime notamment si celui-ci vient habiter à côté de chez elle, s’il a été arrêté pour une nouvelle infraction, si son statut légal change, etc.

Elle s’inscrit pleinement dans la démarche de modernisation, de simplification et de rationalisation des coûts voulue par le gouvernement dans le cadre de sa loi de programmation pour la justice.

Elle permettrait enfin de palier une situation génératrice d’angoisse pour les victimes. Une situation dénoncée encore récemment par une partie de la doctrine juridique (Léa Castellon, La place de la victime dans le procès pénal. Thèse 2018, p.306-307) :

« (…) Lorsque les mesures d’aménagement de peine ne sont pas assorties d’une interdiction d’entrer en relation avec la victime ou la partie civile ne bénéficie que d’un éventuel droit à l’information. (…) La décision d’informer la victime est laissée à la libre appréciation des juridictions d’application des peines, la victime ne peut donc pas se plaindre d’un manque d’information. Or, au regard de la sécurité de certaines victimes et du risque de récidive, il est nécessaire que la victime obtienne automatiquement, dès qu’elle en émet le souhait, des informations sur les conditions de sortie du condamné. »

Les méthodes de déradicalisation mises en place peinent encore à obtenir des résultats satisfaisants.

Les détenus radicalisés condamnés pour des faits de terrorisme présentent, pour un certain nombre d’entre eux, des risques importants de récidive. Dans de telles situations, la peine de prison trouve son utilité essentiellement dans son rôle de neutralisation.

 Ainsi, un régime spécial d’exécution des peines doit être réservé à ce type de détenus particulièrement dangereux.

Ce dispositif s’inspire du régime d’exécution des peines existant en Italie, aux articles 176 et suivants du code pénal transalpin qui allonge pour les terroristes et les mafieux la période à l’issue de laquelle ils sont en droit de solliciter une libération conditionnelle. 

Le droit français est aujourd’hui dominé par une interprétation extrêmement restrictive des conditions d’admission de la légitime défense allant parfois jusqu’à dénaturer les textes applicables. La position qui prédomine repose sur une appréciation purement générale et abstraite des critères de la légitime défense. Or, cette position apparaît totalement déconnectée des situations de violence et des réalités du terrain.

Plusieurs droits étrangers privilégient au contraire une conception plus pragmatique et réaliste du droit de la légitime défense, en considérant l’état dans lequel se trouvait la victime quand elle a riposté. En Allemagne, la notion de peur est prise en compte. L’article 33 du code pénal allemand énonce que : « si par désarroi crainte ou terreur, l’auteur dépasse les limites de la légitime défense, il n’est pas puni ». En Suisse, l’article 16 du code pénal helvétique prévoit que la victime n’a pas agi de manière coupable, si, en repoussant une attaque, elle a excédé les limites de la légitime défense dans « un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque ».

Il faut adapter le droit de la légitime défense aux contingences de la réalité contemporaine, notamment à celles que connaissent les commerçants agressés sur leur lieu de travail. L’explosion de la délinquance violente et la multiplication des actes de défense excusables imposent de faire évoluer notre droit et de prendre en compte, parmi les critères d’évaluation de la légitimité des actes de défense, l’état de la victime causé par la nécessité de se défendre en situation vitale.

Il faut ainsi insérer à l’article 122-5 du code pénal, parmi les critères d’évaluation de la légitimité des actes de défense, la prise en compte de l’état de la victime au moment de sa riposte.

Ces réductions de peine, qui s’élèvent à trois mois la première année et à deux mois les années suivantes, choquent parce qu’il n’est nullement tenu compte, pour en bénéficier, de la « bonne conduite » du condamné. Elles sont accordées de droit et ne sont retirées qu’en cas de mauvaise conduite caractérisée.

Ces réductions de peines sont d’autant plus inutiles que les aménagements de peine (accessibles à mi-peine) et les réductions de peine supplémentaires (de trois mois par an) permettent déjà d’encourager les détenus à bien se conduire, à suivre un traitement ou à indemniser leurs victimes.

Depuis la loi du 3 juin 2016, les détenus terroristes ne peuvent plus bénéficier de crédits de réduction de peine automatiques. En revanche ils peuvent encore bénéficier de crédits de réduction de peine supplémentaires à hauteur de trois mois par an.

Afin néanmoins de prendre en considération une éventuelle évolution exceptionnelle du comportement des condamnés pour infraction terroriste qui surviendrait en détention, on pourrait permettre, par exception, une possibilité de bénéficier de ces crédits de réduction de peine sous la condition d’un avis favorable et spécialement motivé de la commission chargée depuis la loi du 3 juin 2016, lors de l’examen d’une demande de libération conditionnelle, de procéder à une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité des terroristes mentionnée à l’article 730-2-1 du code de procédure pénale.

Il faut ouvrir en droit français la révision in defavorem. C’est-à-dire au détriment d’une personne qui aurait, au bénéfice manifeste d’une erreur judiciaire, été relaxée ou acquittée à tort alors qu’en l’état actuel de notre droit, la révision d’une décision pénale définitive ne peut être demandée qu’au bénéfice de toute personne reconnue coupable d’un crime ou d’un délit (révision in favorem).

L’affaire Haderer a pu mettre en lumière cette lacune de notre législation. Des années après le meurtre de Nelly Haderer, des traces d’ADN identifiées sur le pantalon de la victime ont mis en cause un homme qui ne pouvait plus être judiciairement inquiété. En effet, Jacques Maire a été condamné à deux reprises par la cour d’assises de Meurthe-et-Moselle et des Vosges, mais a été définitivement acquitté en octobre 2008 par la cour d’assises de la Moselle.

Cette situation a profondément choqué l’opinion publique à une époque où les progrès techniques et scientifiques ouvrent de nouvelles perspectives en matière de manifestation de la vérité.

Notre droit permet déjà de revenir sur une décision mettant fin à l’action publique, par acquittement ou relaxe. L’article 6 du code de procédure pénale autorise la réouverture du procès si la décision qui a éteint l’action publique a été obtenue par la production d’un faux. Les articles 188 à 190 du même code encadrent la procédure de reprise de l’information sur charges nouvelles, en présence d’une ordonnance ou d’un arrêt de non-lieu devenu définitif.

Notre droit doit désormais permettre de revenir sur une décision d’acquittement ou de relaxe, lorsque la survenance d’un fait nouveau ou la découverte d’un élément inconnu entache d’erreur manifeste la décision rendue.

L’erreur judiciaire est inacceptable et contraire à nos principes et à notre conception de la justice, qu’elle concerne l’innocent en prison ou le coupable en liberté. Dans ces deux hypothèses, la vérité judiciaire doit pouvoir être révisée lorsqu’il existe un doute sur son bien-fondé.

Plusieurs pays européens ont introduit dans leur législation nationale la révision in defavorem.

En Allemagne, cette révision peut avoir lieu, selon l’article 362 du code de procédure pénale (« StPO ») :

1°) si un document produit comme vrai lors des débats, à l’avantage de la personne poursuivie, ne l’était pas ou était falsifié ;

2°) si le témoin ou l’expert s’est rendu coupable d’avoir, volontairement ou par une faute d’imprudence, à l’avantage de la personne poursuivie, violé son serment lors du témoignage fait ou du rapport déposé ou d’avoir volontairement, hors serment, fait une fausse déclaration ;

3°) si le juge ou le juré qui a participé au jugement s’est rendu coupable d’un manquement aux devoirs de sa charge pénalement punissable, en rapport avec l’affaire ;

4°) si un aveu crédible de l’infraction est fait par l’acquitté, qu’il ait été fait en justice ou qu’il ait été extrajudiciaire.

Au Royaume-Uni, une loi de 2005 modifiant le Criminal Justice Act 2003 permet la révision défavorable dans les affaires les plus graves où sont réunis de nouveaux éléments de preuve, à condition que ces éléments soient fiables, substantiels et d’une valeur probante indiscutable.

Aux Pays-Bas, la loi du 1er octobre 2013 prévoit la révision défavorable dans deux hypothèses :

1°) de nouveaux éléments de preuve découverts (par de nouvelles preuves techniques ou l’aveu crédible d’un ancien prévenu) font sérieusement présumer que si le tribunal en avait eu connaissance, le prévenu/accusé aurait été condamné ;

2°) l’existence d’une grave irrégularité de procédure. Cette révision est limitée aux crimes graves réprimés par une peine de réclusion à perpétuité.

Il faut donc introduire dans notre législation la révision in defavorem.

Cette révision pourrait ainsi être demandée lorsque :

1°) vient à se produire un fait nouveau ou à se révéler un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à établir indubitablement la culpabilité de la personne acquitté ou relaxée ;

2°) sont découverts de nouveaux éléments de preuve faisant sérieusement présumer que si la cour d’assises ou le tribunal correctionnel en avait eu connaissance, l’accusé ou le prévenu aurait été condamné ;

3°) a été fait un aveu crédible de l’infraction par la personne reconnue non coupable, que cet aveu ait été fait en justice ou qu’il ait été extrajudiciaire ;

4°) un des témoins entendus a été, postérieurement à l’acquittement ou à la relaxe, poursuivi et condamné pour faux témoignage à l’avantage de l’accusé ou du prévenu. Le ministre de la justice, le procureur général près la Cour de cassation et les procureurs généraux près les cours d’appel, la partie civile, son représentant légal ou ses ayants droit, pourraient alors saisir la cour de révision et de réexamen d’une demande en révision en cas d’acquittement ou de relaxe.

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