Depuis quelques années, un concept trouve un très fort écho, à gauche : la régulation carcérale. Derrière l’intention de réduire la suroccupation des prisons, cette mesure, qui fait l’unanimité parmi les forces politiques de gauche, pourrait pourtant créer un véritable chaos sécuritaire en évitant la prison à des milliers de détenus.
La régulation carcérale, une révolution pénale
La « régulation carcérale » est un concept qui fleurit à gauche depuis plusieurs années, évoquée par l’ancien député du Nord (LFI) Ugo Bernalicis, en décembre 2018, et reprise par le ministre de la Justice Nicole Belloubet, en avril 2019.
Pas encore voté, ce mécanisme vise à mettre fin à la suroccupation de nos prisons (qui s’élevait, en février 2024, à 123 %, selon le ministère de la Justice) en instaurant une sorte de numerus clausus des détenus. Concrètement, avec la régulation carcérale, pour incarcérer un délinquant, il faudra en faire sortir un autre, que ce dernier ait terminé sa peine ou non.
Pire : ce mécanisme vise à ne pas dépasser 100 % d’occupation non pas globalement, mais dans chaque établissement pénitentiaire. À la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, par exemple, plus grande prison de France, la suroccupation atteint près de 153 % dans la maison d’arrêt pour hommes.
Avec la régulation carcérale, la prison change complètement de logique : son objectif n’est plus d’assurer la sécurité des Français mais d’assurer de meilleures conditions de détention aux détenus.
Un concept consensuel à gauche
Évoqué pour la première fois par la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté dès 2015, ce concept a connu un certaine ascension, repris progressivement par un nombre de plus en plus important d’acteurs.
Ainsi, une importante galaxie d’organisations associatives ou syndicales militantes ont pris position en faveur de cette régulation carcérale, jusqu’à signer un communiqué de presse commun en janvier 2024. Parmi les 34 associations signataires, on retrouve la CGT, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, la Ligue des droits de l’homme, Sidaction, l’Observatoire international des prisons, la Cimade, etc.
Mais la popularité de cette mesure ne s’est pas arrêtée là. En juillet 2023, l’ancienne députée de l’Isère (Renaissance) Caroline Abadie et sa collègue communiste Elsa Faucillon, ancienne députée des Hauts-de-Seine, rendaient un imposant rapport commun au sujet de cette « régulation carcérale ». Les deux députés préconisent d’astreindre chaque maison d’arrêt à atteindre 100 % d’occupation dans un délai de quatre ans. Elles y proclamaient leur volonté de mettre fin à la prison comme peine de référence. La pression venant désormais des députés de la majorité présidentielle, le garde des Sceaux a dû botter en touche lors de l’examen de la loi Justice, sans fermer la porte à ce mécanisme.
Une mesure purgée du programme
La popularité de cette mesure auprès des associations d’aide à la réinsertion tranche avec son impopularité prévisible dans cette campagne législative. Alors que 87 % des Français estiment la Justice trop laxiste (sondage BFM TV Elabe de novembre 2023), comment un parti politique pourrait-il clamer haut et fort sa volonté de libérer les milliers de détenus ?
Ainsi, si cette mesure est partagée par l’ensemble de la gauche, elle ne figure pourtant pas noir sur blanc dans le programme commun du Nouveau Front populaire. Consciente de son impopularité, la coalition de la gauche a préféré l’inclure sans la nommer avec une mesure qui ne laisse pourtant que peu de place au doute : agir contre la surpopulation carcérale.
Pourtant, il est impossible d’imaginer que le Nouveau Front populaire ne profiterait pas d’une victoire, même relative, pour faire voter une des rares mesures qui rassemblent toute la gauche : de La France insoumise aux communistes en passant par l’aile gauche de Renaissance.
Et si les modalités exactes de cette « régulation carcérale » ne sont pas encore tout à fait certaines, on peut craindre le pire : une libération massive dite « d’urgence », dans la lignée des libérations « sanitaires » de la crise Covid. Vu les effets de ces libérations – le nombre d’homicide est en hausse continue depuis 2020, avec un pic en 2023 à plus de 1.000 homicides -, on peut craindre le pire pour la sécurité des Français.
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